De fortes inégalités

Une mobilité empêchée, fragilisée

Une part importante de nos concitoyens est assignée à résidence. Quand on pense « difficulté d’accès à la mobilité », un premier réflexe est de la circonscrire à une partie spécifique de la population : personnes à mobilité réduite, personnes en recherche d’emploi, travailleurs aux horaires décalés, personnes âgées isolées, habitants des zones peu denses. Or, cette problématique concerne un nombre croissant de personnes, et pas uniquement les plus fragiles. Aujourd’hui, une personne sur quatre déclare rencontrer des difficultés de mobilité.1Source : « La mobilité et l’accès des Français aux services de la vie quotidienne », enquête ELABE-LMI, mai 2018 Les facteurs sont variés – lieux de vie, handicaps, âge, revenus – ils peuvent aussi se superposer. Ils sont source de complexité au quotidien, voire de renoncement, avec un impact très net sur le lien social et sur le développement économiqueAinsi, 2 employeurs sur 5 pourvoient difficilement des postes pour des raisons de mobilité.2Source : « Mobilité et accès à l’emploi » – ELABE-LMI 2016

Les efforts exigés pour réaliser les choses indispensables ne sont pas les mêmes pour tous

Cyprien Noble
Intrapreneur, Croix-Rouge Française
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Votre engagement et votre organisation au service des publics fragiles vous a amené ces dernières années à considérer la question de l’accès à la mobilité comme facteur incontournable, et même à proposer vos propres dispositifs d’aide à la mobilité. Pouvez-vous nous expliquer ce cheminement ?

Dès les années 80, les bénévoles constatent que certaines personnes accompagnées manquent de moyens pour se déplacer : elles ne peuvent pas venir récupérer leurs colis alimentaires, reportent leurs visites chez le médecin… Ils s’organisent donc au cas par cas pour les accompagner. A la fin des années 2000, les impacts liés à l’éloignement géographique, aux fractures territoriales et à leurs effets sur l’accès à l’emploi, aux soins, à la vie sociale, émergent plus fortement encore. La Croix-Rouge française réfléchit alors à se rendre au plus près des personnes et s’organise pour être itinérante.

Grâce aux dispositifs « Croix-Rouge sur roues », les bénévoles vont dans les villages où ils proposent de l’écoute, des aides, du conseil. Mais, bien qu’indispensable, cette logique d’itinérance présente certaines limites, puisque les bénévoles ne peuvent pas amener ce qui sort de notre champ : de l’emploi, les proches, la médecine spécialisée. D’autant que nous voulions également permettre aux personnes de retrouver de l’autonomie dans leurs déplacements. Partant de tous ces constats, nous avons développé le dispositif Croix Rouge Mobilités, qui propose une palette de solutions de mobilité partagées et solidaires en s’appuyant sur les structures locales de l’association, ses ressources matérielles, ses communautés de bénévoles etc. Nous avons testé puis lancé un programme national, pour que les 1500 structures locales de la Croix-Rouge française puissent s’en saisir.

Les premiers retours montrent un fort intérêt pour le dispositif, ce qui souligne à quel point le besoin est là. Car les personnes sont en fait dans un renoncement, que l’on comprend quand on regarde l’effort à fournir pour être mobile. Ces dernières années, on a beaucoup joué sur ce levier et attendu des gens qu’ils s’adaptent toujours davantage. Mais l’effort à fournir pour aller au travail lorsque vous habitez en centre-ville ou à distance de toute infrastructure est incomparable. Concrètement, les efforts exigés pour réaliser des choses indispensables : aller travailler, faire soigner ses enfants, voir ses proches… – ne sont pas les mêmes pour tous. Vous avez donc ceux qui renoncent et ceux qui poursuivent, mais se trouvent alors dans une mobilité de sacrifice. Le salaire perçu pour des missions d’intérim, par exemple, peut être quasiment englouti par les efforts consentis pour se rendre sur place. Ainsi, moins on a les moyens, plus la mobilité est impactée. Le point de rupture objectif se situe sur le rapport coût/bénéfice. Et encore, le calcul est rapidement fait lorsqu’on regarde le salaire perçu et le coût pour aller au travail. Mais comment évaluer le « gain » d’une rencontre avec des amis, de soins de santé réguliers, qui sont pourtant tout aussi importants ?

Avec la crise actuelle, qui fait basculer un très grand nombre de personnes dans la pauvreté, les dispositifs de mobilité solidaire vont être toujours plus indispensables. L’effort à fournir pour être mobile va devenir trop coûteux pour un nombre croissant de personnes, avec toutes les conséquences que cela entraîne.

 

 

 

 

 

 

Quelle place pour les jeunes ?

Écoutez l’intervention de Bertrand Coly, ancien Vice-Président du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) et auteur du rapport « Jeunes, le devoir d’avenir. », à l’occasion du webinaire “Tous Mobiles” épisode #4 : “Quelles solutions pour les jeunes ?”
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